Etre soudain : c’est une condition de garantie pour qu’un désordre soit considéré comme nouveau sinistre par les assurances. Qu’en est-il s’il est évolutif ? Cette question a son importance, car elle s’est déjà posée devant le Tribunal. Elle permet aussi d’ouvrir les possibilités d’indemnisation. Pour comprendre la subtilité, il faut d’abord expliquer ce qu’est un désordre pouvant donner lieu à indemnisation. Ensuite, la distinction entre soudaineté et évolutivité doit être expliquée. Et enfin, un exemple pratique (judiciaire en réalité) sera développé.
L’indemnisation d’un désordre ne peut s’envisager que s’il est certain
Un dommage (ou désordre) n’est indemnisable que s’il est certain. Cela implique qu’il doit être actuel (on a constaté son existence lors de l’expertise contradictoire par exemple). Il peut aussi être futur (c’est-à-dire qu’il n’existe pas encore mais qu’il va obligatoirement se produire). Il peut aussi être évolutif (il existe déjà et va se développer dans le temps).
Un rapport d’expert est un atout indispensable pour faire établir la détermination certaine d’un désordre sur une construction.
Qu’est-ce qu’un désordre soudain et un désordre évolutif ?
Comme son nom l’indique, un désordre « soudain » naît spontanément. Il existe, sur un plan temporel unique. On est sur un événement accidentel. C’est le cas de l’infiltration née d’une forte pluie par exemple et s’installant dans les garages en sous-sol.
Les contrats d’assurance peuvent le définir de cette manière : toute perte ou dommage matériel survenant de manière fortuite et soudaine, qui résulte d’un même fait générateur et qui atteint simultanément les biens assurés.
Le désordre évolutif est un dommage qui existe déjà mais qui évolue avec le temps. A titre d’exemple, des fissures en façade, infiltrantes, peuvent être caractérisées d’évolutives si l’on constate qu’elles s’élargissent ou s’agrandissent au fur et à mesure du temps. C’est souvent le cas des fissures dues à une mauvaise qualité des fondations. Autre particularité du désordre évolutif : il s’agit d’un dommage à caractère décennal (voir article 1792 du Code Civil).
La position du Conseil d’Etat sur le retour au caractère soudain d’un désordre évolutif
Prenons l’exemple d’un tassement de terrain survenu lors de la construction d’un réseau de tramway et provoquant l’affaissement du giratoire routier. Le tassement est constaté lors de la pose d’un tronçon de voie ferrée. Par la suite, un second tassement est constaté « dans des proportions limitées ». L’affaissement du giratoire routier est alors accentué et estimé comme « phénomène excessif » par les experts.
Pour le bon déroulement du chantier, le maître d’ouvrage avait souscrit une assurance aux fins de le garantir de tous sinistres survenus en cours de travaux. Il a alors demandé une indemnisation au titre de ce tassement auprès de la société d’assurance le garantissant.
Problème : la compagnie lui oppose un refus de prise en charge au motif qu’il s’agissait d’un désordre évolutif et non soudain.
Or, le contrat d’assurance ne prévoit que la garantie des désordres soudains.
Pour certains esprits, cette deuxième phase du tassement correspond à l’évolution du dommage (et dans ce cas il s’agit d’un désordre évolutif). Pour d’autres, l’excessivité du second tassement constitue un désordre soudain. Alors … qui a raison ? La société d’assurance qui prône la théorie n°1, ou le maître d’ouvrage qui considère qu’il s’agit d’un nouveau sinistre ?
C’est ce critère d’excessivité qui a finalement fait pencher la balance vers le maître d’ouvrage.
Le Conseil d’Etat a estimé que « malgré son caractère évolutif, le sinistre était survenu de manière soudaine, en ce qu’il a excédé le tassement normal attendu d’un tel ouvrage ».
En Conclusion, un dommage initialement considéré comme évolutif peut tout-à-fait être redéfini comme soudain si ses caractéristiques dépassent les critères de normalité attendus.
Pour Consulter l’arrêt rendu par le Conseil D’Etat
Pour en savoir plus, le Cabinet peut répondre à vos questions ici.